Nomadisme, flexible desks, tiers-lieux et coworking ne sont que quelques appellations parmi d’autres pour nommer aujourd’hui l’organisation du travail en entreprise. Si certains managers en sont déjà adeptes, d’autres peuvent se montrer frileux voir parfois complètement opposés. Nous mentionnerons ici les grandes tendances en la matière et les réactions qu’elles suscitent.
Primo: pour gagner en efficacité, soyons flexibles et nomades
D’après les études, le job du futur sera flexible et nomade pour permettre au personnel de gagner en temps et en productivité mais aussi de lui garantir plus d’épanouissement.
Aujourd’hui, un bon employé doit avoir le sens des responsabilités et inspirer confiance. De ce fait, le travailleur n’est plus jugé par sa présence au bureau ou par le nombre d’heures prestées mais bien sur ses résultats. Poussée à l’extrême, cette logique implique que le travail se passe carrément d’horaires fixes.
Si le travail de demain prévoit une flexibilité horaire, la flexibilité est encore plus importante au niveau du lieu de travail. Ceci s’explique en grande partie par la révolution numérique et le développement des technologies qui permettent ce qu’on appelle aujourd’hui le nomadisme de bureau. L’émergence du « cloud computing » qui permet d’accéder à tout moment à son poste de travail donne en effet la possibilité de travailler efficacement de là où on le souhaite.
Secundo : pour faire des économies, ouvrons les espaces de travail
Si la tendance n’est pas tout à fait récente, le lieu de travail centralisé est de plus en plus réorganisé. Le flexible desk ou dynamic office (le fait que les places ne soient pas attribuées aux travailleurs) permet d’abord au chef d’entreprise de faire des économies importantes sur le coût de l’immobilier, parfois le second poste de dépenses après les salaires. En Belgique, nombreuses sont les entreprises à avoir adopté ce mode de fonctionnement ; c’est notamment le cas d’UCB, de Siemens, d’Accenture, de la Stib et de Microsoft…
Pour certains adeptes, plus qu’optimaliser l’usage des espaces, ce type de configuration présente aussi l’avantage de stimuler la créativité et parfois même aussi la productivité des équipes.
Tout le monde ne partage cependant pas cette vision. Si l’open office peut être un outil de travail puissant quand il est bien pensé, il peut aussi être parfois perçu comme problématique par le personnel. « Leur tâche terminée, certains se sentent obligés de se montrer toujours affairés, pour ne pas paraître inactifs. » D’autres ajoutent que le niveau de responsabilité escompté de la part des employés peut être perçu comme une source de stress, tous n’étant pas formés à la gestion du temps ou la gestion des tâches.
Tertio : pour mieux répondre aux besoins, envisageons le travail en dehors du bureau
Après la rentabilisation des espaces et l’amélioration de la performance, le manager cherche aussi à relever un défi majeur de notre temps qui est celui d’attirer et de fidéliser les talents en proposant de meilleures conditions de travail. Une étude menée en 2013 auprès de futurs diplômés de l’ESSEC Business School révèle que 93% des sondés ne souhaitent pas travailler dans un bureau classique et que 73% privilégient des espaces de travail collectifs. Pour 40% d’entre eux, l’espace de travail est vu comme déterminant dans le choix de leur futur employeur. La plupart des sondés privilégient le travail hors de l’entreprise, notamment dans des lieux de coworking ou via le télétravail.
Le domicile est effectivement de plus en plus perçu comme un lieu d’où le travailleur peut exercer efficacement ses activités tout en épargnant parfois de longues heures de déplacement. Ceux qui envisagent d’instaurer cette pratique ne doivent surtout pas hésiter de contacter leur sécrétariat social quant aux procédures, checklists utiles pour vous guider dans la réflexion etc...
En Belgique, le télétravail a augmenté de 8% en 10 ans et concerne presqu’un travailleur sur cinq. Seules 25% des organisations proposeraient cependant ce mode de fonctionnement. Les principaux freins sont au nombre de trois. Primo, certaines tâches ne sont pas facilement délocalisables. Deuxio, certains travailleurs avouent redouter l’isolement. Yahoo, par exemple, a récemment décidé de faire machine arrière sur le télétravail, considérant que les interactions et les expériences communes n’étaient possibles que dans les bureaux et qu’il ne s’agissait pas uniquement de réaliser des tâches assignées à domicile. Tertio, le contact physique entre employeur et employés continue d’inspirer la plupart des gestionnaires. En réalité, la promotion du télétravail implique bien souvent pour le manager d’adapter son attitude et son style de leadership pour être davantage orienté vers le résultat plutôt que vers le contrôle de son personnel.
Quarto : pour accomplir certaines tâches, ne négligeons aucune possibilité
Hors du domicile, une pratique très prisée est également celle de travailler dans des tiers-lieux. Ces nouveaux espaces de travail regroupent à la fois les traditionnels centres d’affaires partagés mais aussi les nouveaux espaces de coworking, incubateurs ou lieux informels comme des cafés, destinés à des individus cherchant au-delà d’un espace de travail avec une connectivité à haut débit un lieu d’échange avec d’autres télétravailleurs. Une conférence internationale sur ce thème et dont les conclusions sont disponibles en ligne a d’ailleurs été organisée fin novembre dernier à Lisbonne.
On ne saurait citer toutes les initiatives considérées comme des tiers-lieux. De façon originale, la SNCB surfe sur la vague en proposant depuis peu de réserver gratuitement des lieux de rencontre dans les gares ou à proximité via le site www.meetonthemove.be. Autre exemple percutant pour montrer le développement de cette tendance ; la chaîne de restaurants Autogrill qui constate un fort afflux de travailleurs se réfugiant dans les aires d’autoroute pour cause de trafic dense (5 à 10% de sa clientèle) et qui propose désormais des espaces équipés de tout le confort nécessaire au télétravail.
Quinto : plus que surfer sur une vague, appliquons chaque tendance à la réalité de notre entreprise et à ses besoins
Ces nouvelles méthodes de travail présentent des avantages indéniables pour l’employeur et l’employé. Le premier voit ses dépenses se réduire, la productivité augmenter et n’est plus confronté aux problèmes de retard. L’employé bénéficie quant à lui d’une plus grande flexibilité, d’une meilleure autonomie et peut mieux concilier sa vie personnelle et professionnelle.
Mais dans la réalité, le bureau de demain n’obéit pas à une vision simple des choses. Si l’ère du bureau classique axé autour de postes individuelles et de salles de réunion est révolue, il n’en reste pas moins important de prévoir des spécificités en fonction de chaque entreprise et des périodes d’adaptation pour le personnel. L’espace doit pouvoir se moduler en fonction des tâches et des possibilités de chacun.
Laurent Taskin, professeur en Management des Organisations à la Louvain School of Management précise que les bouleversements de l'espace de travail s'appliquent en fait essentiellement à des métiers où la mobilité est inhérente au job (activités de conseil, commerciales, etc.) ou à des entreprises où une grande partie des travailleurs sont à temps partiel. Or, seuls 2,8 % des travailleurs belges peuvent être qualifiés de mobiles.
Ce qui dérange ce spécialiste, c'est surtout « le fantasme qui entoure cette forme d'organisation du travail et qui pousse certaines entreprises à vouloir l'appliquer, alors que cela ne cadre pas avec leur culture, voire aux besoins des travailleurs. » Pour Laurent Taskin, cela implique d’abord une réflexion profonde de la part du gestionnaire puis un accompagnement accru du personnel voir des formations sur les nouveaux outils mis à disposition.